Définir la notion de critères de jugement

Un critère de jugement, ou ses synonymes comme facteur d’intérêt et critère de jugement (en anglais outcome), correspond à un indicateur mesurable dont le chercheur fait l’hypothèse qu’il va être modifié par l’innovation thérapeutique ou l’action de prévention santé dans le cadre d’un essai randomisé contrôlé. Il peut s’agir d’indicateurs de santé (cliniques, biologiques, psychologiques, socio-professionnels et/ou de survie), de qualité de vie (générique et/ou spécifique), de sécurité (incidents bénins et/ou graves) ou d’utilité (coûts/efficacité, coûts/utilité). La qualité d’un critère de jugement et de l’outil pour le mesurer est déterminante pour repérer un changement. Une intervention efficace pourrait à tort ne pas être démontrée par le choix d’un mauvais critère de jugement (par exemple un facteur peu variable dans le temps) ou d’un outil pas assez sensible. Ce choix doit être étayé par une recherche biographique approfondie.

Un choix parfois difficile

La conception d’un essai randomisé contrôlé pose systématiquement la question du choix du critère de jugement principal. Ce choix conditionne le calcul a priori du nombre de participants qu’il faudra dans chaque groupe pour vérifier l’efficacité d’une thérapie ou d’une action de prévention santé. Le nombre de sujets doit être adapté à la taille de l’effet attendu pour garantir une puissance suffisante. Plus l’effet recherché est petit, plus le nombre de sujets nécessaires devra être important. Ce calcul se fonde sur un effet supposé et un niveau de puissance statistique. Dans un contexte donné (taille de l’effet recherché et fréquence de base de l’événement), la puissance ne dépend plus que du nombre de sujets (Cucherat, 2013). Le calcul nécessite de connaître ou de faire des hypothèses sur les paramètres conditionnant la puissance : risque de base, taille de l’effet à mettre en évidence, risque alpha (en général 5%) et puissance souhaitée (en général 90%). Le critère de jugement principal peut être très divers, allant d’un marqueur biologique à la qualité de vie, en passant par le comportement (activité physique hebdomadaire, observance thérapeutique) et un indicateur médico-économique (recours aux soins, consommation de produits de santé, hospitalisations en urgence, nombre de jours d’arrêt de travail…).


Le message pour les utilisateurs

Les essais randomisés contrôlés ne mesurent pas encore systématiquement la persistance des symptômes et la qualité de vie. Pourtant, dans le cas de maladie chronique où la guérison n’est pas possible, ces critères de jugement sont centraux du point de vue du patient. Le Blog en Santé en santé abordera régulièrement cette question.

Le message pour les professionnels de santé

La lecture d’un essai randomisé contrôlé mérite la plus grande attention à propos du critère de jugement principal. Il est censé être modifié par l’innovation testée. Il arrive que des études mettent en évidence des effets statistiquement significatifs sur les critères de jugement secondaires et non sur le critère principal. L’interprétation des résultats est alors soumise à débat.

Le message pour les chercheurs

Des essais randomisés contrôlés sont publiés avec une population en deçà du nombre de sujets nécessaires initialement prévus. Leurs auteurs regrettent de ne pas pouvoir atteindre la puissance attendue. Ces manques rendent presque vains les efforts fournis par les organismes impliqués dans la recherche et le développement d’une innovation. Le choix du critère de jugement principal mérite d’être bien réfléchi.

Le message pour les décideurs

La logique qui prévaut dans le choix du critère de jugement principal pour un essai randomisé contrôlé est cruciale dans le calcul du nombre de sujets nécessaires à l’étude. Il peut faire débat, d’une vision purement médicale centrée sur le patient (donc importante pour les thérapeutes) à une vision sociétale (donc importante pour les financeurs du système de santé). Le thérapeute sera plus attentif à la survie, à la persistance des symptômes, à l’état de santé ou à la qualité de vie. Les proches seront plus attentifs à l’état émotionnel et aux comportements du patient. La sécurité sociale et les mutuelles porteront une plus grande attention à l’utilisation de soins. La sécurité sociale et les collectivités seront attentives de l’utilisation des aides sociales. Enfin, l’employeur sera plus vigilant sur le retour au travail.


Référence

Cucherat M (2013). Site web.


Pour citer cet article du Blog en Sante ©

Ninot G (2014). Définir la notion de critère de jugement. Blog en Sante, L8.

© Copyright 2014 Grégory Ninot. All rights reserved.

Laisser un commentaire