Définir la notion de maladie chronique

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a été parmi les premiers organismes à alerter les autorités publiques d’un phénomène en pleine expansion dans tous les pays, les maladies chroniques. Ces maladies recouvrent différents problèmes de santé qui peuvent paraître à première vue disparates. «Les maladies transmissibles (VIH/SIDA) et non transmissibles (pathologies cardio-vasculaires, cancers et diabète) persistantes, certains troubles mentaux (dépression et schizophrénie), ainsi que les handicaps physiques permanents (amputations, cécité et affections articulaires), s’ils peuvent paraître différents, s’inscrivent tous dans cette catégorie» (OMS, 2003, p.11). Les maladies chroniques se caractérisent «au delà de leur durée par l’ampleur de leurs répercussions sur la vie quotidienne non seulement pour les patients mais aussi pour leur entourage. Cette situation bouleverse tout, de l’état de santé à la qualité de vie, des amitiés à la vie familiale, des loisirs à la vie professionnelle. Leurs points communs est qu’elles retentissent systématiquement sur les dimensions sociale, psychologique et économique de la vie du malade» (OMS, 2005, p.15).

Les maladies chroniques présentent donc plusieurs des caractéristiques suivantes : elles sont permanentes, elles laissent des handicaps résiduels, elles sont causées par une altération irréversible, elles exigent une éducation spécifique par la réhabilitation, elles peuvent imposer une longue période de supervision, d’observation ou de soins (Timmreck, 1982).

Les maladies chroniques en quelques chiffres

Les personnes malades chroniques représentent environ un tiers d’une population générale, soit 20 millions en France. Les maladies chroniques constituent 77% des maladies, dont les plus importantes sont les pathologies cardiovasculaires, cérébrales, respiratoires, métaboliques et cancéreuses (Mladovsky et al., 2009). En 2002, ces maladies ont causé 86% des 9,6 millions de morts en Europe. Elles sont aussi responsables de 70% des dépenses de santé (Organisation Mondiale de la Santé, 2008).

Leurs origines

Les maladies chroniques résultent le plus souvent de causes environnementales, en majorité comportementales. En anglais, ces dernières prennent le nom de « noncommunicable disease ». Ce concept traduit le rôle majeur joué par des comportements délétères pour la santé comme par exemple l’inactivité physique, le tabagisme, l’alcoolisme ou une mauvaise alimentation. Les maladies chroniques sont sources d’apparition de nouveaux problèmes de santé, les comorbidités (Bousquet et al., 2011), qui les rendent complexes et à effets systémiques (De Ridder et al., 2008). L’enjeu thérapeutique pour les patients est autant de mieux vivre avec la maladie et en meilleure santé que de gagner à tout prix des jours de vie.

Leur évolution

De façon schématique, les maladies chroniques évoluent selon quatre trajectoires différentes :

(1) la maladie stable évolue peu dans le temps avec grâce aux traitements à vie, à une chirurgie et/ou d’autres dispositifs médicaux,

(2) la maladie dégénérative où l’état de santé se détériore progressivement (par exemple des démences neurodégénératives et des cancers à un stade avancé),

(3) la maladie évoluant par poussée, par décompensation ou encore par poussée (par exemple la sclérose en plaque),

(4) la maladie évoluant par phase de crise ou exacerbation (par exemple la broncho-pneumopathie chronique obstructive).

Chronicité

La logique thérapeutique de Louis Pasteur n’est pas applicable aux maladies chroniques. Se fonder sur l’idée qu’il faut identifier la cause qui provoque une maladie et en comprendre le mécanisme pour trouver le traitement biologique qui conduit à la guérison et à la disparition des symptômes n’est pas pertinent. Une maladie chronique, par définition, est d’origine multi-factorielle et non guérissable (ou non réversible). Par conséquent, elle impose un regard différent de la maladie aigue dont les signes sont évidents et d’apparition brutale, et l’évolution connue. Les signes d’apparition d’une maladie chronique sont insidieux. Son évolution est progressive, peu prévisible et non totalement réversible. Des douleurs et des situations de handicap persistent. La maladie chronique oblige les patients à collaborer étroitement avec les professionnels de santé, à penser à la prévention tertiaire et à repenser leurs modes de vie.

Effets systémiques

Une maladie chronique entraîne avec le temps des répercussions qui vont bien au delà de l’organe lésé ou de la fonction perturbée. Des complications consécutives à la maladie et/ou à ses traitements, appelées aussi comorbidités, apparaissent. De nouvelles pathologies ou de nouveaux troubles de santé émergent. Ces détériorations touchent aussi des aspects psychosociaux. Il devient ainsi difficile de faire la part des choses entre les différents facteurs. La cause devient une conséquence et vice-versa. Un exemple est le «cercle vicieux du déconditionnement physique et psychosocial» (Préfaut et Ninot, 2009).

Instabilité

Les professionnels de santé considèrent parfois qu’une maladie chronique est stable lorsque les traitements permettent de rééquilibrer les principaux paramètres biologiques dans leurs zones cibles. Seulement, du point de vue du malade ou de son entourage qui vit au quotidien avec la maladie, ce n’est souvent pas le cas. Des douleurs tenaces, des manifestations incompréhensibles, des difficultés passagères, des signes inquiétants rendent la vie des malades très instables (Ninot et al., 2010). Bien des symptômes restent variables au fil du temps. Cette instabilité traduit une véritable vulnérabilité qui exige une grande écoute de la part du malade, de son entourage et des professionnels.

Complexité

L’intrication des facteurs génétique, comportementaux et environnementaux rend peu prévisible l’évolution de l’état de santé d’un patient malade chronique. Les facteurs agissent de concert pour influer sur l’état de santé. Parfois, ils s’additionnent. Parfois, ils se multiplient. Parfois, ils se contrebalancent. A cela s’ajoute, les effets du vieillissement. Des auteurs envisagent aujourd’hui de comprendre une maladie chronique comme la résultante d’un système complexe où la plupart des liens de causalité seraient non linéaires (Frey et Suki, 2008).

L’accompagnement des personnes souffrant de maladie chronique

Les patients présentant des problèmes de santé chroniques nécessitent des soins coordonnés dans le temps et qui prennent en compte leurs besoins, leurs valeurs et leurs préférences. Ils ont besoin qu’on leur apprenne à s’autogérer pour prévenir les complications et que les soignants comprennent la différence fondamentale qui existe entre une maladie passagère qui est diagnostiquée et soignée et une affection chronique qui demande à être gérée sur de nombreuses années (OMS, 2003, p.19). Le Blog en Santé utilisera le terme d’accompagnement et non pas prise en charge pour souligner le caractère actif, éclairé et responsable du patient et comme des professionnels de santé.


Le message pour les patients

Les maladies chroniques, contrairement aux maladies aigues, n’exigent pas de soins d’urgence. Elles représentent près d’un tiers de la population générale française, soit 20 millions de personnes. Les principales sont les maladies cardiovasculaires, cérébrales, respiratoires, métaboliques et cancéreuses. Elles sont dues à des comportements à risque comme l’inactivité physique, le tabagisme, l’alcoolisme et/ou la mauvaise alimentation. Elles sont souvent diagnostiquées tardivement, une fois que les symptômes sont importants et que les dégâts biologiques sont conséquents. Si rien n’est fait, ces symptômes ne se cumuleront pas, ils se multiplieront et fragiliseront irréversiblement le malade.

Le message pour les professionnels de santé

Les maladies chroniques résultent de comportements à risque (inactivité physique, tabagisme, alcoolisme, mauvaise alimentation…). L’enjeu thérapeutique et préventif est d’aider les patients à mieux vivre leur maladie et pas uniquement d’augmenter à tout prix leur durée de vie. Contrairement aux maladies aigues où tout ou presque est décidé par le médecin compte tenu de l’urgence de la situation, les maladies chroniques obligent les professionnels de santé à coopérer avec les patients, à «négocier» certains choix notamment relatifs à la prévention et au changement de mode de vie. Ce type d’échange est nommé par l’OMS l’alliance thérapeutique.

Le message pour les chercheurs

77% des maladies ne guérissent pas. Les plus connues sont les pathologies cardiovasculaires, cérébrales, respiratoires, métaboliques et cancéreuses (Mladovsky et al., 2009). En 2002, ces maladies ont causé en Europe 86% des 9,6 millions de morts. Elles résultent souvent de comportements à risque comme l’inactivité physique, le tabagisme, l’alcool ou la mauvaise alimentation. Elles sont appelées non communicable disease en anglais. Elles sont sources d’apparition de nouveaux problèmes de santé, les comorbidités (Bousquet et al., 2011), qui les rendent complexes (Frey et Suki, 2008) et à effets systémiques (De Ridder et al., 2008).

Le message pour les décideurs

Un tiers d’une population générale souffre de maladie chronique, soit 20 millions de personnes en France. Les maladies chroniques les plus importantes sont les maladies cardiovasculaires, cérébrales, respiratoires, métaboliques et cancéreuses (Mladovsky et al., 2009). En 2002, ces maladies ont causé en Europe 86% des 9,6 millions de morts. Elles sont aussi responsables de 70% des dépenses de santé (OMS, 2008). Elles résultent souvent de comportements à risque (inactivité physique, tabagisme, alcoolisme, mauvaise alimentation…). La prévention devient pour ces pathologies aussi importante que les soins.


Références

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