effet placebo effect definition

Etymologie

Le terme placebo est un mot latin qui signifie «je plairai». Il sous-entend en médecine «je plairai à celui ou celle qui me demande de lui prescrire un traitement».

Définition

Un placebo

Un placebo est une mesure thérapeutique d’efficacité intrinsèque nulle ou faible, sans rapport logique avec la maladie, mais agissant si le sujet pense recevoir un traitement actif. Un « placebo n’est pas seulement une substance inerte, c’est aussi un mode d’intervention avec une variété de stimuli sensoriels et sociaux qui font dire au patient que le traitement donné va être bénéfique » définition d’un expert de renommée internationale sur le sujet, le Professeur italien Fabrizio Benedetti (Benedetti et al., 2011, p.339).

Deux types de placebo se distinguent. Le placebo pur est un traitement ayant l’aspect et le goût de celui qu’il substitue, mais qui est dénué de toute substance active (par exemple, une solution saline, de l’amidon, du sucre, du lactose, un geste d’acupuncture sur une zone non active). Le placebo impur est un traitement actif mais qui s’avère théoriquement inefficace pour une pathologie donnée (par exemple, la vitamine C prescrite pour des migraines chroniques alors qu’elle est connue pour être bénéfique contre le scorbut).

 L’effet placebo

Le véritable effet placebo correspond à « un phénomène psychobiologique survenant dans le cerveau du patient après l’administration d’une substance inerte, ou d’un traitement physique sham comme un sham chirurgical accompagné de suggestions verbales d’un bénéfice clinique » (Benedetti et al., 2011, p.339). Il se traduit par une amélioration de l’état du malade. Il correspond à l’écart positif entre le résultat thérapeutique observé et l’effet thérapeutique prévisible selon les modèles biologiques (Lemoine, 1996). Un écart négatif résulte d’un effet nocebo.

Eviter les confusions

Un produit placebo ne peut pas être efficace sans contribution de l’effet placebo. Par contre, un produit actif peut être efficace à cause de l’effet placebo. Si une prise d’aspirine calme un patient en 10 minutes, c’est sous l’effet placebo et non à cause du principe actif car le délais d’action physiologique du principe actif est d’environ une heure.

Ne pas confondre placebo et effet placebo. 

Des effets placebos aussi dans les INM 

L’effet placebo est à l’oeuvre dans l’administration d’une interventions non médicamenteuses (INM). La recherche interventionnelle non médicamenteuse en témoigne. Cette recherche est nécessaire pour vérifier la réelle efficacité de certaines INM. Par exemple, des essais randomisés contrôlés s’effectuent en acupuncture en demandant à l’expérimentateur de suivre le même rituel et d’utiliser les mêmes aiguilles mais en piquant dans des zones sensées n’avoir aucun effet selon la théorie des méridiens.

Taille de l’effet placebo

L’effet placebo est en moyenne de l’ordre de 30% pour toute thérapeutique. Il peut atteindre 70% dans le traitement des migraines et des dépressions. Une revue de question sur l’efficacité d’antidépresseurs chez des patients souffrant d’un trouble dépressif majeur a montré que l’effet placebo comptait pour 51% de l’effet thérapeutique, l’effet de la molécule active et des rémissions spontanées comptaient seulement pour 25% et 24% respectivement (Kirsch et Sapirstein, 1998). L’effet placebo pourrait être encore plus important pour des actions de prévention.

Mécanismes impliqués

La contribution du système dopaminergique du cerveau dans l’effet placebo ne fait plus de doutes (Benedetti et al., 2011). Le produit ou l’intervention placebo stimule la production d’endorphines par l’organisme et produit un effet analgésique chez les patients (Levine et al., 1978). Les patients ressentent moins de douleur. Mais, limiter l’effet placebo à un simple processus physiologique n’aurait pas de sens (Benedetti et al., 2011). C’est un processus culturel, social, relationnel, émotionnel, cognitif et physiologique. Les croyances et l’apprentissage y jouent un rôle d’amplification. Le contexte, la relation médecin malade sont aussi majeurs en créant une confiance réciproque et une attente d’efficacité réciproques. L’effet placebo donc est le fruit de mécanismes psychobiologiques et psychosociaux agissant de concert.

Plus précisément, comprendre les mécanismes de l’effet placebo, c’est pour le chercheur en premier lieu éliminer des facteurs de confusion (Colloca et al., 2008). Les principaux sont les suivants :
– évolution naturelle de la maladie (aussi appelée histoire naturelle ou rémission spontanée),
– co-interventions identifiées ou non (par exemple un changement de régime alimentaire de la part du patient, ce changement pouvant être volontaire ou involontaire par manque d’appétit),
– faux positifs (erreur de diagnostic des patients),
– effet Hawthorne (sentiment d’être choisi pour que l’effet réussisse),
– régression vers la moyenne (phénomène statistique dû à un biais de sélection de patients),
– autres biais méthodologiques comme l’absence d’analyse des sujets perdus de vue dans les essais qui peuvent fausser les résultats, les conflits d’intérêt volontaires (sponsoring) ou involontaires (évaluateur étant aussi le concepteur de l’étude), l’absence d’évaluation en double aveugle, l’effet d’apprentissage des outils de mesure, la réalisation des mesures des critères d’efficacité dans des conditions non standards.

Après avoir exclu ces biais, la résultante est le véritable mécanisme psychobiologique de l’effet placebo (Benedetti et al., 2011; Colloca et Benedetti, 2005). Les progrès de l’imagerie cérébrale ont fait progresser les connaissances en la matière. Les travaux sur la douleur sont les plus fréquents, ce qui amène à penser qu’un placebo est susceptible de bien agir en la matière. L’effet placebo fonctionne quels que soient l’âge, le niveau socio-culturel, la personnalité et le mode de vie selon les spécialistes (Benedetti et al., 2011; Kaptchuk et al., 2008)

Le véritable effet placebo implique lui-même plusieurs mécanismes agissant en parallèle, mais pas toujours avec la même intensité :
– l’attente (expectation en anglais): le patient prépare son corps et son esprit à anticiper un événement et à y faire face. Dans la douleur, le patient active son cortex sensorimoteur primaire, l’insula et le cortex cingulate antérieur.
– l’anxiété: un placebo peut moduler les émotions (Petrovic et al., 2005). Le système opioïde endogène est activé. L’attention, et notamment le cortex préfrontal, joue un rôle en focalisant ou non sur le stimulus douloureux. Le produit placebo diminue l’anxiété du patient.
– la récompense: le système dopaminergique mesolimbique est activé lorsque le patient s’attend à un effet placebo.

Des mécanismes opioïdes endogènes et dopaminergiques agissent de concert dans l’effet placebo…

– l’apprentissage individuel: les patients qui ont eu à faire face régulièrement à la douleur comme des maux de tête sont plus capables d’associer une caractéristique d’un placebo à un phénomène de réduction de la douleur par exemple. Une personne a pu être conditionnée par la couleur d’une pilule à force de l’utiliser. Cet apprentissage expérientiel répété stimule le système immunitaire, le système endocrinien et le système musculaire.
– l’apprentissage social: les patients peuvent apprendre l’effet placebo par l’imitation et l’observation. Un placebo a un effet positif chez des patients qui sont informés qu’ils prennent un placebo comparés à un groupe contrôle qui n’en prend pas et qui le sait.

…mais l’effet placebo résulte aussi d’un apprentissage et d’expériences antérieures…

– une relation de confiance: le rôle de la conviction, de la relation avec le malade et de l’optimisme du médecin est essentiel pour potentialiser un effet placebo. S’il soigne avec conviction et optimisme, et non avec scepticisme, le patient sera convaincu et deviendra optimiste. Son cerveau fabriquera plus «d’endomédicaments» à l’origine de l’effet placebo. Une étude compare l’intensité de la douleur si la morphine est délivrée par une machine ou expliquée par un médecin. La douleur diminue plus rapidement lors de l’injection de morphine face au médecin (Colloca et al., 2004).

…et enfin un rapport de confiance, de conviction et d’optimisme à son médecin.

Un domaine de recherche passionnant autant pour les mécanicistes que les méthodologistes

L’effet placebo a quelque chose de fascinant, de surnaturel, d’inexplicable qui éveille l’intelligence des cliniciens, des chercheurs, des expérimentalistes et des méthodologistes d’hier comme d’aujourd’hui.

«De cette première partie de nos expériences, il est permis de conclure que les substances les plus inertes, telles que l’amidon, administrées homéopathiquement, c’est-à-dire en agissant sur l’imagination des malades, produisent des effets tout aussi énergétiques que les médicaments homéopathiques les plus puissants». Armand Trousseau (1834), Hôpital Hôtel Dieu, Paris

Plusieurs mécanismes sont en jeu dans l’effet placebo, parfois en même temps, parfois successivement (Benedetti et al., 2011). Les chercheurs essaient de comprendre comment ils sont imbriqués et comment les potentialiser.

L’arrivée des méta-analyses permet des rapprochements et des compilations de données donnant plus de puissance aux analyses statistiques. Par exemple, la revue systématique de Hrobjartsson et Gotzsche (2001) remet en question l’effet placebo supposé de 35% popularisé par Beecher en 1955 (voir ci-après). Pour ce faire, les auteurs ont recensé 114 essais randomisés contrôlés comparant des groupes de patients ayant reçu un traitement placebo pouvant être un comprimé pharmacologique, un geste corporel comme une manipulation ou une intervention psychologique à des groupes de patients n’ayant reçu aucun traitement. Leur analyse compile 8 525 patients souffrant de 40 troubles de santé (dont l’asthme, l’anémie, l’obésité, le tabagisme, l’épilepsie, la maladie de Parkinson, la dépression, la schizophrénie). Les auteurs ont analysé les données en fonction de la nature des critères d’efficacité, objectifs (par exemple le taux de glycémie mesuré par une prise de sang) ou subjectifs (par exemple un questionnaire rempli par le patient), et binaire (par exemple présence ou absence d’un symptôme) ou continue (par exemple la température corporelle). Les auteurs ne trouvent pas de différence statistique significative entre la prise d’un placebo comparé à aucun traitement sur les variables objectives continues. Ils en obtiennent par contre sur les mesures continues de variables subjectives. Cette étude ne remet pas en question les fondements de l’effet placebo, elle met en garde les chercheurs sur la manière d’en mesurer son amplitude.

Un sujet polémique

L’effet placebo divise l’opinion, il y a les pour et les contre autant chez les cliniciens que les chercheurs et les patients. Les premiers, les sceptiques, veulent comprendre ses mécanismes avant de les utiliser et soulignent pour l’instant les différents problèmes méthodologiques ayant amené à diverses supercheries dans l’histoire de la médecine (voir ci-après). D’autres, les pragmatiques, s’intéressent au fait qu’ils «marchent» et qu’ils ont pu l’expérimenter soit personnellement en tant que patient, soit en tant que prescripteur.

L’histoire ne date pas d’hier

La première utilisation expérimentale documentée d’un placebo date de 1800 (Pignarre, 2010). Entre 1795 et 1796, le médecin américain Elisha Perkins invente et brevète des baguettes métalliques qu’il nomme modestement les «tracteurs de Perkins». Elles sont prétendument confectionnées dans un alliage original doté de pouvoirs de guérison. Elles sont censées soulager différentes maladies comme les rhumatismes et les maux de tête. Il faut les passer le long des nerfs du corps au niveau des zones d’inflammation. Un médecin épidémiologiste anglais John Haygarth répète les expériences de Perkins sur des malades avec des baguettes métalliques et des baguettes en bois. Il obtient des résultats identiques avec les deux types de baguettes. Quatre malades sur cinq déclarent aller beaucoup mieux. Haygarth dévoile ainsi la supercherie et décrit l’effet placebo dans un ouvrage publié en 1800 et intitulé «De la curieuse influence de l’imagination sur les fonctions du corps humain».

L’effet placebo est né avec les essais randomisés contrôlés

Le concept d’effet placebo est apparu avec à la création des essais randomisés contrôlés contre placebo dans les années 1950 (Sullivan, 1993; Kaptchuk, 1998; Harrington, 2002). Le tournant historique a été la publication d’un article dans la revue Journal of American Medical Association en 1955 par Henry K. Beecher. L’auteur parvient à conclure sur la base de faits scientifiques et médicaux que l’effet placebo, qu’il conçoit comme la différence entre l’état du patient avant et après prise d’un placebo, se produit dans 35,2% des cas en moyenne dans toute thérapeutique. Cette valeur importante de 35% ne pouvait plus être négligée, ni même niée par les praticiens. Peu importe finalement le mécanisme explicatif, si un placebo seul, diminue la douleur, soulage des symptômes et contribue au bien-être des patients.

C’est donc à partir de la mesure du critère de jugement dans le groupe traité par le placebo au sein des essais contrôlés randomisés que l’effet placebo a été établi. Il correspond au changement d’état clinique produit par l’administration d’un placebo.


Le message général

L’effet placebo agit dans tout traitement, médicamenteux comme non médicamenteux. Il est toujours aussi étonnant et mystérieux de constater l’influence de l’esprit sur le corps.

Le message pour les professionnels de santé

Le rôle de la conviction, de la relation au malade et de l’optimisme du professionnel de santé est essentiel pour potentialiser un effet placebo. S’il soigne avec conviction et optimisme, et non avec scepticisme, le patient sera convaincu et deviendra optimiste. Son cerveau fabriquera plus «d’endomédicaments» à l’origine de l’effet placebo.

Le message pour les chercheurs

La difficulté à élucider les soubassements mécanistiques de l’effet placebo et leur combinaison rend modeste devant l’influence d’un traitement chez un patient et les déterminants de sa guérison. L’effet placebo constitue un champ passionnant de recherche autant pour des spécialistes de biologie que de sciences humaines. Il impose une grande rigueur théorique et méthodologique à cause de nombreux facteurs de confusion. Le potentiel thérapeutique d’un placebo a été plus exploré que celui de la prévention. Le marqueur le plus étudié est la douleur.

Le message pour les décideurs

Un placebo est un traitement efficace contre la douleur. Il pourrait être également des plus utiles dans les actions de prévention, mais bien des recherches restent à mener.


Références

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