Prévenir le mal de dos et le mal de cou

Une étude teste l’efficacité et le coût/efficacité d’un programme innovant de prévention des troubles musculo-squelettiques réalisé sur le lieu de travail.

Un essai randomisé contrôlé suédois de Linton et ses collaborateurs, publié dans la revue Journal of Occupational Rehabilitation en 2015, teste l’efficacité d’une intervention d’un mois basée sur l’apprentissage de stratégies de communication et de résolution de problèmes pour prévenir les douleurs musculo-squelettiques chroniques des travailleurs. Cette intervention non médicamenteuse est mise en place auprès des travailleurs et de leurs employeurs. Les résultats montrent une amélioration de la santé perçue et une réduction du nombre de jours d’arrêt de travail liés aux douleurs musculo-squelettiques pour le groupe bénéficiant de l’intervention innovante par rapport au groupe contrôle.


Le rationnel de l’étude

Les troubles musculo-squelettiques tels que les douleurs du dos ou du cou sont des problèmes de santé fréquents dans le milieu du travail. Ils s’avèrent coûteux pour le système de santé. En cause, des positions de travail inadaptées, des mouvements répétitifs, une station assise trop longue. Les principes pour les éviter sont connus, et pourtant, de plus en plus de travailleurs souffrent de douleurs du dos ou du cou.

Il est nécessaire de développer des méthodes efficaces et adaptées pour prévenir ces douleurs. Cette étude propose une intervention non médicamenteuse innovante basée sur deux théories complémentaires, le modèle de résolution de problèmes basé sur des stratégies cognitivo-comportementales ciblées et la suppression de pensées dysfonctionnelles. Ce deuxième modèle vise à diminuer l’état d’hyper-vigilance de travailleurs anticipant un signe potentiel de douleur. Cette anticipation inappropriée génère un sentiment d’inquiétude. A la longue, cette inquiétude est source de fatigue, de détresse psychologique, puis d’invalidité.

La plupart des interventions psychosociales de prévention s’adressent exclusivement aux personnes concernées. De récentes études invitent à intégrer les conjoints, les membres de la famille, les collègues de travail et/ou les employeurs dans ces actions de prévention primaire.

L’article invite à penser qu’agir sur le lieu de travail pourrait s’avérer des plus utiles pour prévenir les troubles musculo-squelettiques des personnes à risque.

Une action de prévention des troubles musculo-squelettiques d’un mois diminuerait le nombre de jours d’arrêt de travail tout en améliorant la santé perçue des salariés.

La question posée

Une action de prévention sollicitant à la fois les travailleurs et leur environnement de travail et utilisant des stratégies de communication et de résolution de problème est-elle efficace pour prévenir les troubles musculo-squelettiques?

La méthode

L’essai randomisé contrôlé de Linton et ses collaborateurs publié en 2015 évalue l’efficacité d’une action de prévention primaire réalisée auprès de travailleurs et de leurs employeurs pour prévenir les invalidités dues à un trouble musculo-squelettique. Ce programme interventionnel est comparé à une prise en charge habituelle. 140 personnes de 27 à 65 ans ont participé à cette étude. Elles souffraient d’une douleur lombaire avec un risque élevé de développer un trouble musculo-squelettique chronique.

Les chercheurs ont évalué les jours d’arrêt de travail liés aux troubles musculo-squelettiques, le recours à des soins, la santé perçue et l’intensité des douleurs. Les mesures ont été faites avant et après l’intervention, puis six mois après l’intervention. Les interventions et le recueil des données ont été réalisés dans un centre de soins de santé suédois.

L’intervention non médicamenteuse (INM) testée

Les patients du groupe expérimental ont reçu une intervention psychologique brève basée sur les principes des thérapies cognitivo-comportementales. Les participants ont été suivis par quatre psychologues cliniciens durant trois séances. Chaque séance durait entre 60 et 90 minutes.

L’objectif principal de l’intervention pour les travailleurs était d’accroître leur capacité à autogérer quotidiennement et notamment sur leur lieu de travail, les obstacles liés à leur expérience de la douleur.

Les travailleurs participaient à trois séances consécutives:
– la première consistait à analyser les problèmes et à définir des objectifs précis; cette séance permettait de recadrer la définition du problème de la douleur comme un problème majeur à résoudre afin d’accéder à des objectifs à long terme,
– la seconde consistait à développer des compétences de résolution de problèmes pour atteindre les buts visés,
– la troisième consistait à mettre en place une communication efficace au travail. Cette séance permettait de développer les compétences en communication basée sur l’expérience, l’émotion et l’expression du besoin en lien avec la douleur.

L’objectif principal des employeurs était de limiter les facteurs de risque psychosociaux liés au travail dans le but de prévenir l’apparition des douleurs chroniques chez leurs employés. Ils participaient également à trois séances consécutives:
– la première consistait à analyser le problème et développer des compétences pour le résoudre,
– la deuxième consistait à développer une communication efficace,
– la troisième consistait au suivi des stratégies mises en place.

Les résultats principaux

L’étude démontre une diminution par deux de la moyenne des jours d’arrêt de travail 6 mois après l’intervention (38 au lieu de 17 jours). La différence est statistiquement significative par rapport au groupe contrôle à 6 mois. Les chercheurs constatent également une amélioration de la santé perçue et une diminution de l’utilisation des soins pour le groupe intervention par rapport au groupe contrôle. L’intensité de la douleur ressentie est réduite identiquement dans les deux groupes.

L’intervention testée fournit la preuve qu’une action de prévention primaire d’un mois adressée conjointement aux salariés et aux employeurs améliore la santé perçue des salariés, réduit l’intensité des douleurs lombaires tout en diminuant le nombre d’arrêts de travail et les demandes de soin.


Le message pour les salariés

Un programme d’un mois de prévention primaire basé sur l’apprentissage des stratégies de résolution de problèmes et de communication associant les salariés et les employeurs améliore la santé perçue des salariés, réduit l’intensité de leur douleur lombaire et diminue la demande de soins.

Le message pour les professionnels

Une intervention en prévention primaire ciblée sur les travailleurs souffrant de troubles musculo-squelettiques, associant salariés et employeurs, et se fondant sur l’apprentissage de stratégies de résolution de problèmes et de communication améliore la santé perçue des salariés, réduit l’intensité de leurs douleurs lombaires tout en divisant par deux le nombre de jours d’arrêt de travail et en réduisant leurs demandes de soin.

Le message pour les chercheurs

Cet essai randomisé contrôlé montre qu’une intervention de prévention primaire ciblée sur les troubles musculo-squelettiques et basée sur l’apprentissage de stratégies de communication et de résolution de problèmes adressée conjointement aux travailleurs et à leurs employeurs est efficace et coûts/efficace pour améliorer la santé et réduire l’absentéisme au travail. Des études ultérieures devront être menées avec des analyses coûts-utilité et coûts-efficacité.

Le message pour les décideurs

Une intervention en prévention primaire associant les salariés et leurs employeurs, ciblés sur la prévention des troubles musculo-squelettiques et se fondant sur l’apprentissage de stratégies de résolution de problèmes et de communication améliore la santé perçue des salariés, réduit l’intensité des douleurs lombaires tout en divisant par deux le nombre de jours d’arrêt de travail et en diminuant les demandes de soin. Le développement de ce type d’intervention ciblée, concertée et rationnelle permettrait d’améliorer la santé des salariés, de réduire l’absentéisme et d’éviter des dépenses de santé.


La référence

Linton SJ, Boersma K, Traczyk M, Shaw W, Nicholas M (2015). Early workplace communication and problem solving to prevent back disability: Results of a randomized controlled trial among high-risk workers and their supervisors. Journal of Occupational Rehabilitation, 23, 1-10.


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Pour citer cet article du Blog en Santé ©

Ninot G (2015). Un programme coût-efficace de prévention du mal de dos au travail. Blog en Santé, A71.

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