Definition des interventions non médicamenteuses (INM) en français, of non-pharmacological interventions (NPI) in English

Ce blog présente des études, des synthèses d’études et des rapports d’autorités évaluant les bénéfices et les risques sur la santé d’interventions non médicamenteuses ou INM. Mais qu’est-ce qu’une INM exactement?

Définition des interventions non médicamenteuses (INM)

« Une INM est une intervention non invasive et non pharmacologique sur la santé humaine fondée sur la science. Elle vise à prévenir, soigner ou guérir un problème de santé. Elle se matérialise sous la forme d’un produit, d’une méthode, d’un programme ou d’un service dont le contenu doit être connu de l’usager. Elle est reliée à des mécanismes biologiques et/ou des processus psychologiques identifiés. Elle fait l’objet d’études d’efficacité. Elle a un impact observable sur des indicateurs de santé, de qualité de vie, comportementaux et socioéconomiques. Sa mise en œuvre nécessite des compétences relationnelles, communicationnelles et éthiques » (Plateforme universitaire collaborative CEPS, 2017).

Catégories d’INM

En 2011, la Haute Autorité de Santé française distinguait 3 catégories: les « thérapeutiques physiques », les « règles hygiéno-diététiques » et les « traitements psychologiques ». La Plateforme CEPS propose une classification comprenant 5 catégories et 22 sous-catégories (Figure 1).

Fig. 1: Catégories et sous-catégories d’INM selon la Plateforme CEPS (2020)

Caractéristiques des INM

Les INM devraient être intégrées aux parcours individuels de soins, de santé et de vie  d’une personne malade ou à risque de maladie (Ninot, 2019). Elles ont une action préventive ou thérapeutique (Ninot, 2019). Elles potentialisent l’action de traitements biomédicaux en améliorant par exemple l’observance de ces derniers. Elles se distinguent des médecines alternatives (parallèles…) et des pratiques socioculturelles par le fait de s’appuyer résolument sur la science et la démarche qualité. Il en existerait 400 selon la Haute Autorité de Santé et l’Académie Nationale de Médecine. Leur recensement est en cours par la Plateforme universitaire collaborative CEPS, leur nombre dépasse les 10.000!

Les INM doivent faire la preuve de leurs bénéfices sur la santé et la qualité de vie et de leur innocuité. Cette démonstration se fonde sur les principes de l’Evidence Based Medicine, et donc sur des méthodes rigoureuses comme des études interventionnelles. Elles doivent être décrites avec précision (voir Figure 2).

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Fig. 2: Description d’une INM

De ce fait, les INM ne doivent pas être confondues avec des actions globales de promotion de la santé, par exemple comme des campagnes  contre la sédentarité, contre le tabagisme, pour la propreté des mains, contre la pollution de l’air… Elles ne relèvent pas non plus d’actions à visée esthétique ou culturelle.

Les INM s’utilisent notamment en médecine générale, en médecine interne, en gériatrie, en psychiatrie, en médecine intégrative, en médecine physique de réadaptation, en soin thermal, en prévention santé (…). Les patients souffrant de maladie chronique en bénéficient grandement.

Les INM: Des solutions évaluées par la science permettant de prévenir, de soigner ou de guérir un problème de santé. Elles complètent les traitements biomédicaux réglementés.


Autres appellations 

Les américains du National Institute of Health (NIH) regroupent des INM sous l’intitulé Complementary and Alternative Medicine (CAM) ou Médecines Alternatives et Complémentaires (MAC) en français. La Haute Autorité de Santé (HAS) en 2011 parle de « thérapeutiques non médicamenteuses validées. L’Académie Nationale de Médecine française les nomme des « thérapies complémentaires » dans son rapport publié en 2013. Selon les pays, selon les disciplines scientifiques, selon les professions de santé, on peut trouver des similitudes avec une centaine de termes comme médecines complémentaires, médecines douces, médecines intégratives, médecines naturelles, pratiques de soin non conventionnelles, médecines traditionnelles, soins de support, thérapies complémentaires… (voir la liste complète)

Les INM ont des effets démontrés sur la santé. En cela, elles se distinguent médecines parallèles ou alternatives.


Objectifs des INM

Une INM vise à résoudre un problème de santé ciblé (une maladie, un symptôme, un comportement à risque). Une INM peut ainsi avoir une visée préventive, thérapeutique ou curative en fonction de sa prescription et de son contexte d’utilisation. Les professionnels de santé proposent ainsi une INM dans le but de:
– diminuer les symptômes d’une maladie,
– potentialiser les effets d’un traitement conventionnel,
– prévenir l’apparition d’une nouvelle maladie (devenant une comorbidité),
– améliorer la qualité de vie,
– améliorer  l’état de santé,
– augmenter la durée de vie sans perte de qualité de vie,
– augmenter la durée de vie (ou longévité),
– guérir une maladie,
– réduire les dépenses de santé non programmées (traitement, consultation, hospitalisation, transport…),
– réduire les pertes de production (arrêt de travail, aide sociale…).

Toute la question est de savoir laquelle, à quelle fin et comment?


Vers un usage optimal des INM

Le secteur de la santé est fondé sur la science et l’expérimentation depuis plus d’un siècle. L’avènement de la médecine par les preuves en est l’illustration. Tout professionnel de santé, tout acteur de la prévention, tout patient, tout consommateur veut pouvoir répondre aux questions suivantes pour chaque INM (voir Figure 3):
– quels sont ses mécanismes d’action?
– quel est son contenu?
– quels sont les risques et les conduites à tenir?
– quelles sont les formations initiales et les qualifications professionnelles requises?

Depuis 2011, la HAS recommande d’améliorer:
le cadre économique et organisationnel;
– l’information des professionnels de santé et des patients
;
– l’adhésion des professionnels de santé aux recommandations;
– l’accès à l’offre (p.52). 

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Fig. 3: Rapport 2011 de la Haute Autorité de Santé française

Un marché des INM en plein essor

Est-ce une conséquence de la « technicisation » de la médecine? Est-ce un phénomène de mode? Est-ce l’affaire de quelques illuminés?
Quelles qu’en soient les raisons, le recours aux INM se généralise. L’OMS estime le marché mondial à 78 milliards de dollars. L’Institut du Wellness (2018) avance le chiffre de 460 milliards de dollars, et ceci sans tenir compte d’autres activités liées au bien-être qui le ferait passer à 4200 milliards. Par exemple, le marché des plantes médicinales augmente de 10% par an depuis 2010 en France. Les Etats-Unis ont investi 2,4 milliards de dollars depuis 1998 dans un institut consacré aux INM, le National Center for Complementary and Integrative Health. L’Europe commence à s’y intéresser sans avoir créé d’organisme spécifique.

Le marché mondial des INM en 2017 se situe entre 360 milliards et 4200 milliards de dollars selon l’Institut Global du Wellness.


Sortir des FakeMed par la recherche

Deux discours entretiennent les scepticismes à l’égard des INM. Ils ralentissent le développement d’une recherche interventionnelle rigoureuse vérifiant leur efficacité et leur innocuité et l’amélioration continue des méthodes et des formations professionnelles (Ninot, 2019). Ils desservent leur crédibilité et leur bon usage par les professionnels comme les patients. D’un côté, un discours laisse entendre que leur efficacité va de soi, donc ne nécessite pas de preuves scientifiques et cliniques. Leurs bénéfices sont « évidents« . Ils sont connus « depuis la nuit des temps« . « Il n’y a aucune raison de vouloir démontrer l’efficacité des INM puisqu’elles ne sont que de simples mesures d’hygiène ou qu’elles ne résultent que de la relation entre en soignant et un patient« . « Le bénéfice d’une INM est du à l’effet placebo« . De l’autre, un discours soutient que les INM n’appartiennent pas au secteur de la santé, mais à celui de l’esthétique, du divertissement ou d’une philosophie prônant un mode de vie particulier. Dans ces deux cas, seule la satisfaction des usagers prime.

Ce blog invite à penser que toute INM doit aller au delà de l’observation du bénéfice de quelques cas. Elle doit faire ses preuves d’innocuité et d’utilité pour la santé humaine et sur la qualité de vie à travers des études  rigoureuses. D’ailleurs, l’OMS a publié un Plan 2014-2023 allant dans ce sens (voir Figure 4). Voici un extrait: « Une politique reposant sur le savoir est indispensable à l’intégration de la Médecine Traditionnelle / Médecine Complémentaire dans les systèmes nationaux de santé. La recherche devrait être hiérarchisée en termes de priorités et soutenue de manière à produire des connaissances. Même si les essais cliniques contrôlés livrent de nombreuses informations, d’autres méthodes d’évaluation sont également utiles. C’est le cas, par exemple, des études sur les effets et sur l’efficacité, ainsi que de la recherche comparative sur l’efficacité, de l’analyse des schémas d’utilisation et d’autres méthodes qualitatives. Il existe une opportunité de mettre à profit et de promouvoir ces « expériences du monde réel » où différentes formes et méthodes de recherche sont essentielles, précieuses et applicables. Ainsi, le National Institute for Health and Care Excellence (NICE), au Royaume-Uni, souligne l’importance d’adopter divers types et formes de méthodes de recherche contributives si l’on veut constituer une large base de données probantes qui serviront à élaborer les politiques et à prendre les décisions au niveau national » (p.39).

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Fig. 4: Plan 2014-2023 de développement des médecines traditionnelles de l’OMS

Dès 1986, le Professeur français Daniel Schwartz écrivait que « l’évaluation rigoureuse des médecines douces est quelquefois impossible, le plus souvent difficile. Mais beaucoup d’évaluations, totales ou partielles, beaucoup plus qu’on ne le dit, restent possibles. Leur réalisation demande surtout qu’on le veuille. Or le plus souvent on ne le veut pas » (p.87). En 2009, le Professeur anglais Edzard Ernst écrivait que « tester l’efficacité et la sécurité des médecines alternatives et complémentaires n’est pas seulement une obsession de scientifiques, c’est une préoccupation pour la santé de chaque individu et du public en général » (p. 299). En 2016, un autre Professeur français, Bruno Falissard, ajoutait que « pour évaluer correctement les soins non médicamenteux, il faut d’abord les décrire précisément. Il n’y a malheureusement pas de consensus clair. Ensuite, il faut mener des études qualitatives et pas seulement quantitatives : il existe des méthodes sérieuses pour cela, qui interrogent notamment les patients sur leur ressenti (…). Enfin, il faut mettre au point des protocoles pour comparer toutes les thérapies entre elles, les classiques comme les non conventionnelles, et éventuellement les confronter à l’effet placebo. Dernier point, et non des moindres, ne pas oublier d’évaluer leurs éventuels effets secondaires, car toute thérapie comporte des risques » (p. 6-7). Depuis, les années 2010, le nombre d’études évaluation les INM explose (voir Figure 5).

Des études interventionnelles sont attendues pour montrer l’utilité et l’innocuité des INM et préciser leur mode d’usage.

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Fig. 5: Evolution du nombre du publications d’études évaluant les INM

Le blog invite les utilisateurs d’INM à signaler les effets secondaires et dénoncer les dérives à travers des lanceurs d’alerte comme la Mission Interministérielle de Vigilance et de Lutte contre les Dérives Sectaires et l’Observatoire des Médecines Non Conventionnelles (OMNC) de la faculté de médecine de Nice.


Vers une règlementation européenne?  

Les chirurgies, les radiothérapies, les thérapies géniques, les dispositifs médicaux implantables et les médicaments, aussi appelés traitements biomédicaux réglementés dans ce blog, ne font pas partie des INM. Ces traitements sont autorisés et surveillés en France par l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé. Certaines INM sont à la frontière entre les traitements biomédicaux, les INM et les produits de consommation courante, comme la cigarette électronique par exemple (voir Figure 6). La réglementation sur les INM n’est pas encore clairement établie. La HAS reste floue dans son rapport de 2011. L’OMS n’a pas encore arrêté de position précise. Le périmètre des INM reste flou, discutable et discuté. Leur usage est libre et sans surveillance. La construction d’un écosystème à part entière est aussi urgent qu’indispensable pour éviter les amalgames et les dérives, pour conforter les professionnels et pour rassurer les usagers noyés par des informations contradictoires glanées sur Internet.

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Fig. 6: Les INM, un secteur à part entière entre produits de consommation courante et les traitements biomédicaux

Le blog encourage les décideurs à standardiser les procédures d’évaluation et de surveillance comme ce fût le cas pour le médicament il y a 50 ans, et plus récemment pour les dispositifs médicaux (DM).

La réglementation des INM devraient être harmonisée à l’échelle nationale, européenne, voire mondiale, comme ce fût le cas pour le médicament il y a 50 ans, et le dispositif médical plus récemment.


Le message général

Aujourd’hui, il faut faire attention à deux faux discours sur les INM. Le premier laisse entendre que leur efficacité va de soi, donc ne nécessite pas d’études scientifiques et cliniques. Leurs bénéfices sont «évidents». Ils sont connus «depuis la nuit des temps». «Il n’y a aucune raison de vouloir démontrer l’efficacité des INM car elles ne sont que de simples mesures d’hygiène». Le second revendique la non appartenance des INM au secteur de la santé. Les INM appartiendraient au secteur de la cosmétique ou du divertissement. Dans ces cas, seule la satisfaction des usagers prime. Ces deux discours ralentissent le développement des recherches visant à administrer des preuves d’efficacité et d’innocuité des INM (Ninot, 2019). Ils desservent leur crédibilité et leur bon usage par les professionnels comme les patients.

Guide professionnel des interventions non médicamenteuses

Le message pour les professionnels de la santé

Les INM ne sont pas des médecines parallèles ou des FakeMed. Elles viennent le plus souvent compléter les traitements conventionnels. Elles sont encore appelées dans certaines spécialités médicales des traitements adjuvants (péjorativement entendues comme accessoires) ou des règles d’hygiène (péjorativement entendues comme une action ne pouvant pas faire de mal). En réalité, il s’agit de soins à part entière dont les interactions avec les autres traitements devraient être connues. Elles ont fait l’objet d’études cliniques poussées. De ce fait, la prescription d’une INM nécessite comme pour les médicaments la consultation d’un médecin. Ce dernier cible le problème de santé. Il indique les meilleures réponses parmi l’arsenal d’interventions disponibles. Il connaît les mécanismes d’action de l’INM. Il anticipe les interactions possibles avec les autres traitements. Il hiérarchise les risques et les bénéfices. Il propose une «posologie» au patient en la personnalisant. Il recommande des conduites à tenir. Il oriente vers un réseau de professionnels compétents situés à proximité du lieu de vie du patient. Il fixe une consultation de bilan si nécessaire.

Le message pour les chercheurs

Consulter la notice d’un médicament va de soi. Chaque utilisateur peut identifier la catégorie pharmaco-thérapeutique, les indications thérapeutiques, les contre-indications, les précautions d’emploi et les effets indésirables. La posologie est mentionnée (mode, dose, durée, fréquence). Ces critères ont été standardisés et réglementés (Boutron et al., 2012). Dans le cas des INM, peu de professionnels sont capables de donner autant de précisions sur ces éléments car aucune grille standardisée d’évaluation et de surveillance n’est disponible à l’heure actuelle. Les méthodologies destinées à prouver leur efficacité sont encore très débattues comme le montre chaque année le congrès congres scientifique international iCEPS. Cela laisse ainsi la place à nombre de spéculations et d’idées reçues (Ninot, 2019), et donc des dérives en tout genre comme l’assimilation aux FakeMed ou aux médecines parallèles.

Le message pour les décideurs

Depuis une dizaine d’années, des études pilotes constatent des bénéfices sur la santé et sur des marqueurs sociaux et économiques. Des études pointent des améliorations de la qualité de vie et des augmentations de survie sans perte de qualité de vie. La demande augmente. Le marché mondial dépasse les 4000 milliards d’euros. Il sera un grand pourvoyeur d’emplois et d’innovations dans les 20 prochaines années.


Références

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