La prescription des interventions non médicamenteuses

Un rapport de la Haute Autorité de Santé de 2011 rend compte des avancées et des obstacles à la prescription des interventions non médicamenteuses en France.

Le rapport de la Haute Autorité de Santé (HAS) d’avril 2011 fait le bilan du développement de la prescription des thérapeutiques non médicamenteuses en France. La première partie du rapport se base sur une revue de littérature sur la place des interventions non médicamenteuses (INM) cible la prise en charge des risques cardio-vasculaires et de l’insomnie à titre d’exemple. Les auteurs du rapport déplorent le faible niveau de preuves puisqu’elles reposent principalement sur des avis d’experts. La deuxième partie conclue que le recours sur le terrain à la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses est insuffisant par rapport à ce que préconisent les autorités scientifiques et les agences sanitaires.


Le rationnel

Les interventions non médicamenteuses (INM) sont encore difficiles à délimiter. Pour les experts de la HAS, ces thérapeutiques relèvent de 3 catégories :

1. les règles hygiéno-diététiques:

– régimes diététiques,

–  activités physiques et sportives,

– modifications des comportements alimentaires,

– règles d’hygiène.

2. les traitements psychologiques:

– thérapies d’inspiration analytique,

–  thérapies cognitive-comportementales.

3. les thérapeutiques physiques :

– techniques de rééducation (kinésithérapie, ergothérapie, etc.).

Les auteurs du rapport excluent de cette catégorisation les dispositifs médicaux et les interventions chirurgicales. L’objectif de ce rapport d’évaluation n’est pas d’émettre des recommandations d’un fort niveau de preuve. Il rassemble des arguments permettant d’envisager des voies d’amélioration de la santé et de la qualité de vie en vue du développement de la prescription des interventions non médicamenteuses (INM).

Les INM font désormais partie de notre quotidien. Mais sont-elles aussi efficaces sur la santé qu’on le dit?  


La question posée

Quel est l’état de la prescription des thérapies non médicamenteuses en France?

La méthode

Deux groupes d’experts pour la Haute Autorité de Santé ont été constitués. Un groupe a fourni un document de travail suite à plusieurs réunions en 2009 sur la base de la consultation de la littérature scientifique et médicale internationale. Un groupe a été chargé de relire le travail sur le fond et sur la forme. Ces groupes étaient pluridisciplinaires et pluri-professionnels: médecins généralistes, cardiologues, psychiatres, neurologues, infirmiers, psychologues, diététiciens, pharmaciens, économistes, sociologues, anthropologues, représentants des patients, représentants des usagers du système de santé. Le rapport a été rendu public par la Haute Autorité de Santé en avril 2011.

Les résultats principaux

La première partie du rapport se base sur une revue de littérature sur la place des interventions non médicamenteuses a ciblé la prise en charge des risques cardio-vasculaires et de l’insomnie à titre d’exemple. Ces interventions constituent selon la littérature scientifique et médicale un traitement de fond pour la prise en charge des patients présentant un risque de maladie cardio-vasculaire ou du sommeil. Pour autant, les auteurs du rapport concluent que ces recommandations s’appuient sur un faible niveau de preuve puisqu’elles reposent principalement sur des avis collectifs d’experts. Des essais randomisés contrôlés manquent. La deuxième partie du rapport est consacrée à l’analyse de l’usage de ces recommandations en pratique quotidienne. Les auteurs du rapport constatent que le recours sur le terrain à la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses est insuffisant par rapport à ce que préconisent les autorités scientifiques et les agences sanitaires.


Le message général

Beaucoup d’inconnus subsistent quant à l’efficacité des interventions non médicamenteuses dans nombre de maladies et/ou de situations à risque de maladie. Ce manque de preuves médicales et scientifiques nuit à leur crédibilité, à la maîtrise de leur condition d’application et à leur prescription. Des précautions doivent ainsi être prises en cas d’utilisation notamment en en parlant avec son médecin traitant. 

Le message pour les professionnels

Le rapport de la Haute Autorité de Santé (2011) souligne le rôle symbolique central de la prescription médicamenteuse dans la consultation médicale. Les interventions non médicamenteuses ne bénéficient pas aujourd’hui d’un statut équivalent. Cette différence influence les patients comme les médecins. Les premiers peuvent douter de l’efficacité de ces interventions. Les seconds évoquent un temps de consultation allongé et l’attente des patients à obtenir un médicament pour traiter à court terme leurs maux.

Le message pour les chercheurs

Le rapport de la Haute Autorité de Santé (2011) souligne les limites actuelles dans la démonstration de l’efficacité des thérapeutiques non médicamenteuses: «au regard des critères habituellement considérés pour l’évaluation de l’efficacité des traitements médicamenteux, les études évaluant l’efficacité des thérapeutiques non médicamenteuses présentent pour la plupart des insuffisances méthodologiques» (p.40) (…) «certaines de ces insuffisances méthodologiques, comme l’absence de double aveugle, voire celle de réel groupe contrôle, peuvent être expliquées par la nature même des thérapeutiques non médicamenteuses.» (p.41) (…) «ces difficultés méthodologiques rencontrées dans l’évaluation comparative des thérapeutiques non médicamenteuses a comme conséquence le fait que les recommandations en la matière sont associées à un faible niveau de preuve. Comme l’indique la revue de la littérature sur les recommandations dans la prise en charge des risques cardio-vasculaires et des troubles du sommeil, elles reposent majoritairement sur des accords d’experts.» (p.41). Les auteurs du rapport de la Haute Autorité de Santé (2011) incitent chercheurs et cliniciens à mener des études interventionnelles non médicamenteuses afin de mieux démontrer leur efficacité et préciser leur modalité de prescription : «le développement de la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses est conditionné par la production de données scientifiques sur l’efficacité comparative des stratégies médicamenteuses et non médicamenteuses par le biais de financements publics dans le cadre d’essais cliniques et en population réelle, au sein de laboratoires de recherche et de structures d’observation des pratiques» (p.56). En filigrane, le rapport invite les INM à suivre les principes de l’Evidence Based Medicine pour que leur efficacité puisse être véritablement reconnue.

Le message pour les décideurs

L’organisation des soins fondée en France sur la tarification à l’acte limite la reconnaissance et la prescription des interventions non médicamenteuses («règles hygiéno-diététiques», «traitements psychologiques», «thérapeutiques physiques»). Le rapport de la Haute Autorité de Santé (2011) invite à faire évoluer le système de santé français autour de quatre axes :

«1. améliorer le cadre économique et organisationnel,

2. améliorer l’information des professionnels de santé et des patients sur les thérapeutiques non médicamenteuses,

3. améliorer l’adhésion des professionnels de santé aux recommandations sur les thérapeutiques non médicamenteuses,

4. améliorer l’accès à l’offre en matière de thérapeutiques non médicamenteuses.» (p. 52)


La référence

Haute Autorité de Santé (2011). Développement de la prescription de thérapeutiques non médicamenteuses validées. Paris: HAS.


Pour citer cet article du Blog en Santé ©

Ninot G (2014). La prescription des interventions non médicamenteuses. Blog en Santé, A4.

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