Définir la notion de vieillissement

Le vieillissement est un «processus de développement individuel dynamique, multidimensionnel et non linéaire» (Baltes, Staudinger et Lindenberger, 1999). Le Blog en Santé va rendre compte des études qui démontrent que les conduites de santé influencent les trajectoires de vie, accélèrent ou ralentissent les processus de vieillissement, altérèrent ou bonifient la santé, détériorent ou améliorent la qualité de vie.


Le message général

Pourquoi s’intéresser à notre santé quand on n’est pas malade? N’est-ce pas s’inquiéter pour rien? N’est-ce pas lui accorder trop d’importance, alors qu’il peut y avoir bien d’autres priorités dans la vie? Nous prenons conscience de notre santé bien trop tard, lorsque les symptômes sont devenus trop gênants, lorsque les signes sont trop visibles, lorsque nous avons épuisé toutes nos ressources. Bref, à un moment où la maladie est solidement installée. Des travaux récents montrent à quel point les personnes qui sont attentives à leur santé vivent en meilleure forme, avec une meilleure qualité de vie et plus longtemps. S’impliquer dans sa santé, c’est donc apprendre ou réapprendre à écouter son corps. Cela devient aussi une autre façon d’échanger avec les professionnels de santé, non plus un patient passif face à un arsenal de spécialistes organicistes mais un acteur cherchant avec une équipe d’experts coordonnée la meilleure voie vers le bien-être et la plus longue vie possible en bonne santé.

Le message pour les professionnels de santé

Contrairement à l’idée reçue qu’il fait bon vieillir en France, l’hexagone ne se situe qu’au dixième rang européen de l’espérance de vie sans incapacité pour les hommes de 50 ans (De Jagger et al., 2008). Autrement dit, un homme de 50 ans pourra espérer vivre jusqu’à 69 ans en moyenne sans avoir d’incapacité majeure. Une des raisons est que la prévention santé auprès des cinquantenaires doit progresser.

Le message pour les chercheurs

Trop de théories médicales et scientifiques ont essaimé de fausses idées sur le vieillissement au XXième siècle. Ces théories ont passé sous silence les limites méthodologiques des études sur lesquelles elles s’appuyaient. La détérioration des performances cognitives observée se basait en réalité sur des protocoles transversaux comparant des personnes d’âges différents et non sur des protocoles longitudinaux comparant les mêmes personnes à différents âges. L’effet générationnel était ainsi sous-estimé. Des études de cohorte ne mesuraient pas suffisamment de facteurs pour pouvoir différencier le vieillissement normal du vieillissement pathologique (e.g., pertes de motivation, désinvestissement des activités cognitives, hypostimulation de l’entourage, précarité sociale, difficultés économiques). Elles majoraient ainsi l’effet d’un facteur et étayaient les hypothèses fixistes. Elles minoraient les interactions entre les facteurs, les recoupements entre variables et la plasticité neuronale. Des outils de mesure utilisés avaient souvent été validés pour d’autres tranches d’âge. Ils ont conduit à des amalgames erronés. Une variable pouvait être évaluée dans un suivi longitudinal avec différents outils validés à différentes périodes. Cela faussait les extrapolations. Les situations d’évaluation étaient parfois si inappropriées qu’elles provoquaient des difficultés de compréhension des tests, de l’impatience, du stress, une chute de motivation ou une fatigue de la part des participants aux études. Des conclusions hâtives étaient inférées sur des résultats faussés par les conditions de passation. Enfin, certains participants se sentaient obligés de confirmer l’hypothèse des chercheurs à cause d’attitudes et de comportements déplacés de ces derniers. Des recherches plus rigoureuses, et surtout mieux armées méthodologiquement, sont en train de mettre à mal nombre d’anciennes théories générales sur le vieillissement. Hélas, certaines fausses idées restent encore solidement ancrées dans les têtes. Devenir acteur de notre santé, c’est s’extraire de ces stéréotypes. Une étude sur 20.000 jumeaux nés dans trois pays nordiques entre 1870 et 1910 montrent que les vrais jumeaux meurent en moyenne avec 3 ans d’écart et 6 pour les faux jumeaux (Iachine et al., 1998). Les auteurs concluent que la part génétique joue à 25% dans la longévité. Même si cette part augmente après 60 ans, l’environnement, les comportements délétères pour la santé et la précarité sociale expliquent majoritairement les trajectoires du vieillissement et la longévité (Hjelmborg et al., 2006).

Le message pour les décideurs

Les recherches récentes montrent combien l’idée d’un déclin avec l’âge est antinomique avec celle du vieillissement réussi. Ce dernier va ainsi dépendre non plus uniquement du maintien de notre santé physique, mais de la façon dont nous allons maximiser nos ressources psychologiques par des comportements de prévention, d’hygiènes et de collaboration avec les professionnels de santé. Bien vieillir passe par une réflexion et une démarche active sur notre mode de vie. En parallèle, augmenter la durée de vie de suffit pas en améliorer sa qualité. La longévité doit s’accompagner d’une recherche d’amélioration de la qualité de vie. Elle va dépendre de notre capacité à favoriser notre sentiment d’efficacité, à renforcer notre estime de soi, à nourrir notre optimisme, à appliquer nos résolutions, à gérer le stress et (re)trouver de nouvelles voies d’épanouissement.


Référence

Arcand M, Hébert R (1997). Précis pratique de gériatrie. Montréal : Maloine.

Baltes PB, Staudinger UM, Lindenberger U (1999). Lifespan psychology: theory and application to intellectual functioning. Annual Review of Psychology, 50, 471-507.

Herskind AM, McGue M, Iachine IA, Holm N, Sørensen TI, Harvald B, Vaupel JW (1996). Untangling genetic influences on smoking, body mass index and longevity: a multivariate study of 2464 Danish twins followed for 28 years. Human Genetics, 98, 467-475.

Iachine IA, Holm NV, Harris JR, Begun AZ, Iachina MK, Laitinen M, Kaprio J, Yashin AI (1998). How heritable is individual susceptibility to death? The results of an analysis of survival data on Danish, Swedish and Finnish twins. Twin Research, 1, 196-205.

Jagger C, Gillies C, Moscone F, Cambois E, Van Oyen H, Nusselder W, Robine JM (2008). Inequalities in healthy life years in the 25 countries of the European Union in 2005: a cross-national meta-regression analysis. Lancet, 20, 2124-2131.


Pour citer cet article du Blog en Santé ©

Ninot G (2014). Définir la notion de vieillissement. Blog en Santé, L21.

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